QuestionMark.gif (157 octets) Hypertexte et Autres Lacis

On a déjà beaucoup écrit sur l'hypertexte, mais l'espace disponible sur l'Internet paraissant quasi illimité, je ne peux me retenir d'ajouter quelques mots sur la façon dont je l'ai compris.

Au départ, et étant donné les personnes qui se sont les premières investies dans l'Internet (des scientifiques et des militaires), la visée de l'hypertexte était de faire en sorte que l'utilisateur ne se perde pas dans la masse et le chaos des informations qui pouvaient circuler sur un réseau. Soit dit en passant, quand la masse devient critique, toute l'hypertextualité classificatrice du monde n'en peut mais, et les moteurs de recherche ont de beaux jours devant eux...

Autant le dire tout de suite, ce qui m'a incité à faire d'Ecran Total une oeuvre hypertextuelle, c'est le désir d'égarement, plutôt que la recherche du repère. Un labyrinthe plutôt qu'une table des matières.
Et justement : au moment où l'Internet a commencé à devenir accessible, je travaillais à un cours de littérature comparée, sur le thème de L'écriture du labyrinthe, avec au programme des oeuvres comme L'aleph de Borges, L'emploi du temps de Butor, et Le château de Kafka. Sublime programme. En cette subtile compagnie, pris d'un désir mimétique - que je trouve avec le recul un peu naïf - je n'ai pas tardé à  à désirer créer un autre labyrinthe, et l'Internet m'a semblé le support adéquat pour une telle écriture, au delà des impasses du papier.
Quelle impasse pour quel papier ?  Pour faire vite : une écriture, si labyrinthique soit-elle, est toujours amortie par la linéarité de la lecture. Et si l'on rôde dans un labyrinthe, c'est selon le parcours programmé d'un écrivain : le fil d'une Ariane dont les intentions ne seraient pas forcément bienveillantes... Mes intentions n'étaient pas non plus particulièrement bienveillantes, mais elles étaient explicitées par le support hypertextuel, qui induit l'égarement du lecteur de façon presque immédiate.

Il est peut-être temps de faire une mise au point : les labyrinthes et le virtuel me passionnent, mais je n'ai pas perdu contact avec la réalité au point de ne pas mesurer la présomption qu'on peut trouver à parler dans une même page, et à quelques lignes d'intervalle, de Butor, Borges, Kafka, et ...d'Ecran Total. Ces auteurs ont constitué le point de départ d'une expérience textuelle. Il fallait que cela soit dit, et je sens la rougeur refluer de mpn visage.

L'écriture hypertextuelle implique une "dramatisation" de la lecture, et une mise en mouvement comme naturelle du texte : chaque lecteur est libre de construire son propre labyrinthe, au gré de ses pulsions.
Ou de son ennui ... (c'est un vrai travers de l'hypertextualité : il n'y a pas loin de la souris au zappeur, et le double-clic peut facilement devenir un automatisme, un conditionnement à la sollicitation d'une petite main...).

Enfin :

Il y a une histoire comme ça, où il est question de la nécessité de créer de nouvelles formes (un artiste le prétend), et un sage lui rétorque que c'est absurde, que tant qu'il y aura du sable à mettre dans des amphores, et tant qu'on n'aura pas épuisé tout le sable avec des amphores, il est absurde de chercher de nouvelles formes d'amphore.

Bien. Le stock de sable serait-il épuisé ?