Des tribus innombrables, mais pas véritablement de frontières. Ou alors, curieusement, une frontière infime sans doute aux yeux des usagers d’Internet, énorme pour Palerno.

D’un côté, on se joue l’Écran digne, propre, souvent gravé dans le marbre ou tracé sur le parchemin. Du style.


Mat.
Sobre.


De l’écru, dégradés d’ocres ou de bleu. L’écran Internet est volatile et fugace, mais on a sa dignité. On le montre en se montrant (Palerno parlera peut-être un jour des pages personnelles : vraiment tous les membres de la tribu).
De l’autre côté (mais n’allez pas croire : pas seulement de l’autre côté de l’Atlantique), il y a indéniablement aussi une esthétique, très proche de celle du dépliant publicitaire qui encombre les boîtes aux lettres en France, et dont Palerno a déjà parlé par ailleurs. Fonds unis dans des couleurs cassées, une irrépressible attirance pour le terne quant aux fonds, en fort contraste avec des caractères flashy, beaucoup de choses qui clignotent, giguenotent, trémencissent : images animées, bandes déroulantes, mots qui s’effacent. Force agitation, force bruit. Quelque chose comme une réticence à l’idée de n’offrir au regard que des mots. Tentation de petits dessins un peu partout sur l’écran. En bref, une aspiration à quelque choses de plus... télévisuel.

Plus mobile. Plus vivant. Interactif.

On trouve donc sur Internet, et en particulier sur certaines pages une esthétique contemporaine : de celle qu’on trouve dans les brochures publicitaires, ou sur les routes aux abords des périphéries, avec des néons et toutes sortes de coloris étonnants dans leurs combinaisons. Arrivée à l’aéroport, nocturne : n’importe où l’on arrive, on sait toujours qu’on est bien sur terre. Esthétique des chaînes de télévision aux heures où l’écran s’anime d’hommes à voix gouailleuses, en manche de chemise. Où les assistent des femmes d’allure un peu... grognasse. Palerno sourit à l’évocation de ce mot, qu’il croyait sorti de son usage. Une esthétique.
Pourtant les abords des villes ne sont pas la télévision. Ni non plus les brochures publicitaires. Et Internet n’est pas la périphérie d’une ville, même planétaire. Mais ces médias obéissent à une même esthétique, et trouvent leur source dans le NÉON, l’esthétique électrique des périphéries des villes qui jouxtent les aéroports.
Un gaz agité par des électrons.
Une esthétique économique, et qui tient en quelques figures :

– clignotement;
– mouvement (ascendant, descendant, linéaire);
– inversion du mouvement (descendant, ascendant, contralinéaire);
– pirouette;
– feu d’artifice.
Esthétique excitée de l’électricité, chansons de tubes cathodiques.