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Votre dernier article,
" Communication, Media, Éducation ", m'est tombé entre les
mains, et je suis outré.
Je suis moi-même enseignant, et je crois utile, pour votre gouverne, de
remettre quelques pendules à l'heure. Vous vous trompez sur
l'enseignement, vous vous trompez sur les media, vous vous trompez sur
les enfants. Pour quelqu'un qui bénéficie d'un tel crédit et d'une
telle audience, ça fait beaucoup d'erreurs il me semble, et au bout du
compte il ne reste pas grand chose de solide dans votre article.
D'abord, les medias. En fait, c'est la télévision, et vous la
satanisez, M. Palerno, vous faites comme si elle ne diffusait à
longueur de programmes que des émissions pour demeurés, des jeux
débiles, mais je vous signale qu'elle comporte aussi de nombreuses
émissions d'information, à caractère historique, ou scientifique, qui
sont des modèles de pédagogie, et des auxiliaires inestimables pour un
éducateur. Et quand bien-même il n'y aurait qu'une de ces émissions
par semaine, je dis qu'il faut que la télévision existe.
L'éducation ensuite. Comme tous ceux de votre génération, vous avez
l'air de croire qu'enseigner consiste simplement à délivrer un savoir
à un apprenant qui ne sait rien et attend la sainte parole. Il faut
sortir, M. Palerno, il faut aller dans les classes des écoles et des
collèges, et des lycées même ! Les apprenants savent ... la télé !
Qui leur apporte une infinité d'informations de toutes sortes, rien à
voir avec la pauvreté d'un cours, magistral ou pas. Même, peut-être
cela pourra-t-il vous intéresser, moi, je ne me l'explique pas : les
enfants les plus assidus devant le petit écran savent même ce que la
télé n'a pas encore diffusé. Bref. Le rôle de l'enseignant, dans
tout ça ? C'est un rôle de dialogue et un guide.
Dialogue : remettre les idées à leur place quand la télévision les a
mal traitées, ou trop vite.
Le guide : conseiller les émissions, conseiller l'usage du
magnétoscope pas seulement pour les films, mais pour les reportages,
les émissions scientifiques, etc ... L'argument misérabiliste ne
marche pas : on trouve des magnétoscopes dans toutes les familles.
Les enfants, enfin. Vous n'y pouvez rien, et personne n'y peut rien, la
télévision est l'élément dans lequel ils ont appris à respirer,
dans lequel ils puisent toutes leurs valeurs. Au nom de quoi
voudriez-vous que les enseignants luttent contre ces valeurs ? Pour s'y
user ? Pour leur proposer quoi ? Les vieilles lunes de la culture
classique, les meilleures pages
du Lagarde et Michard ? Pour quoi faire ?
Je finirai par une confidence, M. Palerno. Il m'arrive assez souvent de
lire, des articles dans des revues spécialisées, des journaux, mais
cela fait maintenant cinq ans que je n'ai pas ouvert un livre pour en
faire une lecture suivie. Maintenant, je vous le demande, cette lettre
vous a-t-elle donné de moi l'image d'un débile ?
Respectueusement, |